Réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant du secteur énergie de 80% d’ici 2050. C’est l’objectif ambitieux, mais réaliste que nous proposent Roger Lanoue et Normand Mousseau dans le rapport « Maîtriser notre avenir énergétique » de la Commission des enjeux énergétiques, rendu public en 2013.
C’est l’objectif qui devrait être au cœur de la prochaine politique énergétique du gouvernement du Québec et, je le souhaite, du prochain programme du Parti québécois.
Il s’agit d’une responsabilité collective que nous avons vis-à-vis des générations futures et de nos partenaires internationaux. Mais il s’agit, aussi, d’un puissant levier de développement économique pour le Québec. Prendre le virage vert et réduire notre dépendance au pétrole, c’est augmenter le pouvoir d’achat des Québécois, créer de l’emploi dans toutes nos régions, développer des créneaux d’avenir pouvant être exportés à l’international et éliminer notre déficit commercial.
Changement de mentalité
Nous devons opérer dès maintenant un changement de mentalité dans l’ensemble de nos politiques publiques. Le facteur environnemental doit dorénavant faire partie intégrante de nos prises de décisions individuelles et collectives.
Les commissaires Lanoue et Mousseau nous invitent à devenir « maîtres de notre énergie », c’est-à-dire à miser sur une « utilisation stratégique de l’énergie ». Le principe est simple : choisir non seulement les modes de consommation les plus efficaces, mais également les sources d’énergie qui minimise les émissions de GES et maximisent les retombées économiques pour le Québec.
L’électrification des transports cadre parfaitement dans cette logique. Au lieu de pomper de l’essence provenant de l’étranger dans nos voitures, nous avons tout intérêt à nous brancher sur l’électricité provenant de nos rivières. C’est un choix à la fois économique et écologique. (Vous pouvez lire mes propositions sur le sujet ici.)
Faciliter l’usage de moyens de transport collectifs et alternatifs
La bonification de l’offre de transport collectif sur l’ensemble du territoire québécois doit également faire partie de notre vision. La Stratégie nationale de mobilité durable du gouvernement du Parti québécois visait à accroître la portion du Plan québécois des infrastructures destinée au transport collectif de 21% à 27% d’ici 2020. C’est la voie qu’il faut emprunter.
Notre Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et l’ensemble de nos pratiques budgétaires et fiscales devront également être revues progressivement afin de favoriser la densification de nos villes et de nos municipalités, au lieu de l’étalement urbain.
Le gouvernement peut donner l’exemple en installant l’ensemble de ses services et de ses bureaux, incluant les cliniques, les écoles, la SAQ, la SAAQ, les ministères, etc., dans les centres-villes ou les quartiers densément peuplés, et en s’assurant qu’ils soient accessibles en transport collectif ou actif.
En somme, nous devons aménager notre territoire de façon à rendre les alternatives à l’automobile conventionnelle plus efficaces, abordables et intéressantes pour les usagers, ou à tout le moins pour diminuer le nombre de kilomètres parcourus par voiture.
Des bâtiments plus verts
Le gouvernement du Québec doit également mettre en place les conditions pour augmenter significativement l’efficacité énergétique de nos bâtiments.
Cela passe par la modernisation de notre Code de construction, mais également par de nouvelles méthodes de financement de nos infrastructures. J’adhère à cette idée d’ajouter le coût futur de l’énergie consommé par un bâtiment à son coût d’investissement initial, dans les appels d’offres de construction ou de rénovation. Cela donnerait un avantage concurrentiel aux entrepreneurs développant des bâtiments moins énergivores lorsque vient le temps de soumissionner sur un projet.
Une utilisation accrue du bois dans la construction contribuera également à réduire l’empreinte écologique de nos bâtiments. En plus d’être renouvelable et de faire rouler l’économie de nos régions forestières, le bois permet de piéger le carbone et d’ainsi diminuer nos émissions de GES. C’est pourquoi nous devrions renforcer la Charte du bois mise en place par le dernier gouvernement du Parti québécois, en l’étendant notamment aux secteurs des transports et industriels.
Toujours dans le domaine forestier, nous avons intérêt à soutenir davantage le développement d’une industrie de la biomasse forestière résiduelle pour remplacer le chauffage au mazout dans nos bâtiments. Il s’agit là, encore une fois, d’un choix économique et écologique pour le Québec.
Les hydrocarbures : agir de façon cohérente et responsable
Évidemment, le Québec ne peut se lancer dans un plan de transition vers une économie sans pétrole sans adopter lui-même une politique cohérente et responsable vis-à-vis l’exploitation de ses propres réserves d’hydrocarbures.
Je l’ai dit et je le répète : dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques, j’estime qu’il serait mal avisé de lancer le Québec dans la fracturation hydraulique, la seule technique nous permettant d’extraire les gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent ou le pétrole de schiste de l’île d’Anticosti. Compte tenu des trop grands risques environnementaux encourus, nous devrions imiter la France, l’Allemagne et même Terre-Neuve, une province productrice de pétrole conventionnel, et empêcher la fracturation hydraulique sur notre territoire.
Un chantier de pays
Bref, fort d’un potentiel énergétique renouvelable parmi les plus importants de la planète, le Québec a tous les atouts pour réussir le virage vert et s’en enrichir. Nos intérêts économiques coïncident avec les intérêts environnementaux de la planète. Nous serions fous de ne pas en profiter.
Malheureusement, nous ne pouvons en dire autant du Canada du 21e siècle, dont l’économie est de plus en plus orientée en fonction du développement de l’industrie des sables bitumineux de l’Alberta. Les incohérences et les oppositions entre nos deux ordres de gouvernement sont donc inévitables et n’iront qu’en augmentant, à mesure qu’avancera cette transition énergétique.
En ce sens, l’indépendance énergétique et l’indépendance politique du Québec deviennent des enjeux intimement liés. C’est au Parti québécois de proposer un plan clair, ambitieux et mobilisateur pour nous mener à chacune d’entre elles.