Alexandre Cloutier
Député de Lac-Saint-Jean et candidat à la direction du Parti québécois
Véronique Hivon
Députée de Joliette et responsable du plan de préparation à l’indépendance d’Alexandre Cloutier
Il y a déjà quelques mois, nous avons proposé une nouvelle démarche, à la fois claire et transparente, pour mener le Québec à son indépendance dans le premier mandat d’un prochain gouvernement du Parti québécois. Une approche bien de son époque, qui mise essentiellement sur trois choses : (1) le rassemblement des forces souverainistes, (2) la préparation d’un projet de pays concret et (3) une mobilisation sans précédent des Québécois et des Québécoises.
Aujourd’hui, nous en appelons à une refondation en profondeur du programme politique du Parti québécois, lequel devra être renouvelé par nos membres à l’occasion de notre 17e congrès national.
Plus que jamais, notre formation politique doit s’affairer à démontrer en quoi l’indépendance ouvrira de nouvelles opportunités pour le Québec et tous les Québécois. Nous ne pouvons plus résumer la souveraineté à ses considérations institutionnelles et mécaniques. Au-delà de notre article 1, nous devons repenser la façon d’articuler l’ensemble des articles de notre programme.
Nous devons faire en sorte que l’indépendance du Québec ne soit plus traitée comme un enjeu parallèle aux autres enjeux de sociétés qui interpellent les Québécois. Nous devons présenter la souveraineté pour ce qu’elle est : un changement global pouvant améliorer la vie individuelle et collective des Québécois dans tous ses aspects.
La meilleure façon d’y parvenir, c’est d’affirmer ce que fera un gouvernement du Parti québécois avec les nouveaux pouvoirs et les ressources supplémentaires que lui conférera l’indépendance. C’est de présenter notre vision de l’avenir du Québec en allant « du bleu pâle au bleu foncé » : dire aux Québécois où nous voulons aller et jusqu’où nous pourrons le faire, selon que nous dirigerons une province ou un pays.
Un programme de pays
Ainsi, les propositions adoptées par les membres du Parti québécois ne devraient plus se contraindre aux champs de compétences d’une simple province canadienne. Notre formation politique devrait assumer pleinement son projet politique et prendre position dans les domaines qui relèveront du gouvernement d’un Québec souverain, que ce soit en matière de politique étrangère, de télécommunications, de justice criminelle, de coopération et de commerce international, etc.
Quant aux enjeux qui sont déjà de compétences provinciales ou partagées, il est de notre responsabilité de démontrer en quoi l’indépendance nous permettra d’adopter des politiques plus efficaces, cohérentes et conformes aux intérêts du Québec, en regard de notre économie, de notre géographie, de notre langue, de notre histoire et de nos valeurs propres.
Sur le plan de l’environnement et de l’énergie, par exemple, le gouvernement du Québec peut déjà, en vertu des fonds disponibles au Fonds vert, investir dans l’électrification de nos transports. Ce virage extrêmement prometteur pour notre économie prendra toutefois une toute autre ampleur dans un Québec souverain. En récupérant notre part des milliards $ investis chaque année par le gouvernement canadien pour soutenir l’industrie du pétrole, nous pourrons accélérer grandement le développement de la filière du transport électrique au Québec.
Dans la même veine, au lieu de faire valoir, sans trop de succès, ses positions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre au sommet des premiers ministres du Canada sur les changements climatiques, le gouvernement d’un Québec souverain pourrait prendre part à la Conférence mondiale de Paris, l’automne prochain, aux côtés des chefs d’État du monde entier. Nous aurions également le dernier mot quant au passage de l’oléoduc Énergie Est de TransCanada sur notre territoire.
En matière d’affaires étrangères et de commerce international, le gouvernement d’un Québec souverain pourra mettre à profit son nouveau réseau diplomatique pour déployer une stratégie d’exportations beaucoup plus ambitieuse à l’égard de l’Afrique francophone, qui est en plein essor économique, sachant que les liens linguistiques facilitent grandement les échanges entre deux pays.
Dans le domaine de l’éducation, le Québec pourra réorienter significativement sa politique de recherche et d’innovation, en fonction des secteurs les plus porteurs pour notre développement, en récupérant l’argent présentement attribué par les fonds de recherche du Canada.
Sur le plan de la réforme de nos institutions, le gouvernement d’un Québec province peut, certes, revoir notre mode de scrutin et abolir le serment à la Reine, mais un Québec indépendant pourra abolir complètement la monarchie et le Sénat, en plus de rediriger le tiers du budget de l’État vers les régions et les gouvernements locaux.
Toujours sur le plan du développement régional, nous avons proposé dans cette course d’adopter une politique nationale des transports, à la fois des personnes et des marchandises. En recouvrant ses pouvoirs en matière de navigation, d’aviation et de transport ferroviaire, un Québec souverain pourra nécessairement pousser cette politique plus loin, notamment en soutenant la modernisation de nos aéroports régionaux et en facilitant l’accès par train à nos ports de mer.
Il en va de même pour le développement de l’économie numérique, un domaine à fort potentiel de croissance pour le Québec. En récupérant nos pleins pouvoirs en matière de télécommunications, nous pourrons adopter une politique nationale du numérique qui soit nettement plus complète et cohérente que celle d’une simple province.
En matière de protection du consommateur, nous avons récemment proposé d’encadrer le crédit à la consommation et de limiter les frais bancaires abusifs. Un Québec indépendant pourra en faire encore davantage et s’attaquer aux taux d’intérêt exorbitants chargés aux consommateurs par les compagnies de cartes de crédit.
Et nous pourrions continuer la liste encore longtemps, tellement les exemples d’enjeux actuels qui outrepassent nos champs de compétences sont nombreux et variés.
Bref, nous avons devant nous une tâche colossale, mais emballante, qui peut faire renaître le goût de l’engagement et des débats chez les membres de notre formation politique.
Une fin…et un moyen
S’il aspire à prendre le pouvoir, le Parti québécois n’a d’autre option que de répondre aux interrogations légitimes des Québécois qui veulent savoir ce qu’un gouvernement péquiste fera au lendemain d’une victoire électorale. En même temps, s’il veut convaincre une majorité de Québécois de se donner un pays, il doit absolument répondre aux nombreuses questions des citoyens qui cherchent à comprendre ce qui pourrait changer au lendemain d’une victoire référendaire. Il ne peut remettre éternellement ce travail à plus tard.
Aujourd’hui, nous proposons donc aux membres du Parti québécois de refonder notre programme politique pour concilier ces deux objectifs indissociables.
Oui, l’indépendance peut être vue comme une fin en soi, celle de la liberté et de l’autodétermination d’un peuple, celle de donner aux Québécois un État « normal ». Mais l’indépendance est aussi un puissant moyen, et le temps est venu de dire comment le Parti québécois l’utilisera pour bâtir une nation plus juste et plus riche. Chaque jour, c’est ce que les citoyens de partout au Québec nous demandent.
À nous de nous remettre au travail.