Des solutions de rechange à l’austérité

Sous le couvert d’un objectif que nous partageons tous – la santé de nos finances publiques – le gouvernement libéral de Philippe Couillard impose aux Québécois son agenda idéologique : celui de la réduction du rôle économique et social de l’État.

On augmente les tarifs et le fardeau fiscal des Québécois, on démantèle nos outils de développement économique et nos programmes sociaux en nous répétant, sur un ton paternaliste : « nous n’avons pas le choix. » C’est pourtant faux. Archifaux.

Le choix entre « austérité » et « endettement » est un faux dilemme. Comme plusieurs autres, je dis non à l’austérité, mais je dis aussi non à l’endettement des générations futures. Parce qu’il y a une autre solution : travailler sur la colonne des revenus.

Pour augmenter ses rentrées fiscales, le gouvernement doit agir sur deux fronts. D’abord, créer de l’emploi, et donc accélérer la croissance économique au Québec. Ensuite, avoir le courage d’aller chercher l’argent là où il se trouve, en prônant une plus grande justice fiscale et en mettant fin au gaspillage de fonds publics. Malheureusement, les libéraux ne font ni l’un, ni l’autre depuis leur arrivée au pouvoir.

 

Pour une plus grande justice fiscale

La justice fiscale, c’est de protéger le pouvoir d’achat de la classe moyenne, en privilégiant un impôt progressif plutôt que des hausses de taxes et de tarifs. C’est de faire en sorte que les grandes entreprises et les banques paient leur juste part à la société québécoise. C’est pourquoi j’ai proposé, il y a déjà plusieurs mois, de réintroduire la taxe sur le capital des institutions financières, abolie depuis 2011, pour récupérer quelque 500 millions $ pour le gouvernement du Québec.

La justice fiscale, c’est aussi de s’assurer que nos commerçants québécois jouent à armes égales face aux entreprises étrangères. C’est pourquoi j’ai proposé, en décembre dernier, d’obliger les entreprises étrangères à percevoir la TVQ lorsqu’elles font des ventes en ligne au Québec, ce qui nous permettrait de récupérer plus de 100 millions $ par année.

La justice fiscale, c’est également d’éliminer ces nombreuses échappatoires fiscales qui profitent exclusivement à certaines entreprises et aux individus les plus riches de la société. Nos lois fiscales sont pleines de trous, et ce n’est évidemment pas la classe moyenne, mais les plus fortunés qui en profitent.

Il n’est pas normal que des entreprises qui accumulent des profits de plusieurs millions $ ne paient aucun sou d’impôts au gouvernement du Québec, grâce à une multitude de crédits et de processus d’optimisation fiscale. Pour corriger la situation, le Québec devrait s’inspirer de l’Ontario et instaurer un impôt minimum sur le revenu des sociétés pour les grandes entreprises qui génèrent des recettes de plus de 100 millions $.

Les outils d’épargne que sont les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI) doivent également être balisés de façon raisonnable pour ne pas devenir des échappatoires fiscales bénéficiant exclusivement aux individus à revenus élevés.

Ainsi, le plafond de cotisations aux REER gagnerait à être abaissé de 24 000 à 18 000 $ par année, le maximum déjà permis pour tous les Québécois gagnant 100 000 $ et moins. Au-delà de cette somme, les montants épargnés ne devraient pas permettre de reporter de l’impôt.

L’investissement dans un CELI devrait quant à lui être plafonné à un total de 50 000 $, ce qui nous éviterait la « bombe à retardement » que le programme pourrait devenir pour les finances publiques du Québec, selon un récent rapport du directeur parlementaire du budget à Ottawa, Jean-Denis Fréchette. M. Fréchette souligne d’ailleurs le caractère régressif du CELI qui, dans sa forme actuelle, bénéficiera « surtout aux 20 % des ménages les plus nantis ».

Dans la même veine, plusieurs voix se sont élevées chez nous pour dénoncer le caractère régressif du « fractionnement du revenu » désormais permis par le gouvernement de Stephen Harper. Or, il faut savoir qu’une telle pratique est déjà permise depuis de nombreuses années au Québec, par l’entremise des fiducies familiales.

En effet, bon nombre de professionnels fortunés versent chaque année une partie de leurs honoraires dans une fiducie familiale, qui distribue à son tour des dividendes à leur conjoint(e) et leurs enfants, qui ont peu ou pas de revenus. Cela permet aux individus concernés de sauver des dizaines de milliers $ d’impôts, et coûte en revanche plusieurs dizaines de millions $ au trésor public. Un tel stratagème fiscal devrait être aboli, puisqu’il ne bénéficie qu’à une portion très restreinte de la population.

L’incorporation des médecins, qui leur permet de mettre près de 80 millions $ par année à l’abri de l’impôt, devrait aussi être interdite. Le métier de médecin bénéficie d’avantages exclusifs à cette profession, soit la garantie de clientèle, le statut autonome et le salaire versé directement par l’État. Cet avantage fiscal n’apparaît donc pas justifié.

 

Mettre fin au gaspillage de fonds publics

D’autre part, avant de couper dans les services publics et augmenter le fardeau fiscal des contribuables, le gouvernement du Québec doit faire ses devoirs et stopper le gaspillage de fonds publics, notamment dans les domaines de la santé et de l’informatique. On doit arrêter de tirer l’argent des Québécois par les fenêtres.

En additionnant tous les dépassements de coûts reliés au « bordel informatique », ces dernières années, ce sont environ 3 milliards $ qui ont été payés en trop par les Québécois. La nomination d’un ministre du Numérique, responsable et imputable politiquement, m’apparaît plus que jamais essentielle pour mettre fin à ce gouffre financier.

Dans le domaine de la santé, de l’aveu même du ministre Gaétan Barrette, entre 600 et 800 millions $ pourraient être économisés chaque année en élargissant le champ d’acquisition des achats regroupés de médicaments et en priorisant davantage le remboursement de médicaments génériques.

 

Un choix idéologique

Faites le cumul, et vous avez dans cette série de mesures amplement de quoi régler le problème de déficit du gouvernement du Québec. Sans diminuer le pouvoir d’achat de la classe moyenne. Sans s’attaquer aux plus vulnérables, aux régions et à notre système d’éducation. Sans plomber la relance de notre économie. Sans rapetisser le Québec, ici comme à l’international.

Il faut donc le dire haut et fort: l’austérité n’est pas une fatalité, mais un choix idéologique du gouvernement libéral qui cherche à détruire en un an ce que nous avons mis plus de 40 ans à bâtir.